Accueil | Francais | Philosophie | Histoire-géo | Commentaires philo | SES | Résumés d'oeuvres | Forum | Chances au bac
ETHIQUE III proposition II de Spinoza (cliquez sur le titre ou l'auteur pour effectuer une recherche)
Auteur : Spinoza
Titre : ETHIQUE III proposition II
Extrait �tudi� :
C'est ainsi que l'enfant s'imagine qu'il désire librement le lait qui le nourrit ; s'il s'irrite, il se croit libre de chercher la vengeance ; s'il a peur, libre de s'enfuir. C'est encore ainsi que l'homme ivre est persuadé qu'il prononce en pleine liberté d'esprit ces mêmes paroles qu'il voudrait bien retirer ensuite, quand il est redevenu lui-même ; que l'homme en délire, le bavard, l'enfant et autres personnes de cette espèce sont convaincues qu'elles parlent d'après une libre décision de leur âme, tandis qu'il est certain qu'elles ne peuvent contenir l'élan de leur parole. Ainsi donc, l'expérience et la raison sont d'accord pour établir que les hommes ne se croient libres qu'à cause qu'ils ont conscience de leurs actions et ne l'ont pas des causes qui les déterminent, et que les décisions de l'âme ne sont rien autre chose que ses appétits, lesquels varient par suite des dispositions variables du corps. Chacun, en effet, se conduit en toutes choses suivant la passion dont il est affecté : ceux qui sont livrés au conflit de plusieurs passions contraires ne savent trop ce qu'ils veulent ; et enfin, si nous ne sommes agités d'aucune passion, la moindre impulsion nous pousse çà et là en des directions diverses. Or, il résulte clairement de tous ces faits que la décision de l'âme et l'appétit ou détermination du corps sont choses naturellement simultanées, ou, pour mieux dire, sont une seule et même chose, que nous appelons décision quand nous la considérons sous le point de vue de la pensée et l'expliquons par cet attribut, et détermination quand nous la considérons sous le point de vue de l'étendue et l'expliquons par les lois du mouvement et du repos ; mais tout cela deviendra plus clair encore par la suite de ce traité.
Ce que je veux surtout qu'on remarque ici avec une attention particulière, c'est que nous ne pouvons rien faire par la décision de l'âme qu'à l'aide de la mémoire. Par exemple, nous ne pouvons prononcer une parole qu'à condition de nous en souvenir. Or, il ne dépend évidemment pas du libre pouvoir de l'âme de se souvenir d'une chose ou de l'oublier. Aussi pense-t-on que cela seulement est au pouvoir de notre âme, savoir, de nous taire ou de parler à volonté sur une chose que la mémoire nous rappelle. Mais, en vérité, quand nous rêvons que nous parlons, ne croyons-nous pas que nous prononçons certaines paroles en vertu d'une libre décision de l'âme ? et cependant nous ne parlons effectivement pas ; ou, si nous parlons, c'est par un mouvement spontané de notre corps. Nous rêvons aussi quelquefois que nous tenons certaines choses cachées en vertu d'une décision semblable à celle qui nous fait taire ces choses durant la veille. Enfin nous croyons en songe faire librement des actions qu'éveillés nous n'oserions pas accomplir ; et puisqu'il en est ainsi, je voudrais bien savoir s'il faut admettre dans l'âme deux espèces de décisions, savoir, les décisions fantastiques et les décisions libres. Que si on ne veut pas extravaguer à ce point, il faut nécessairement accorder que cette décision de l'âme que nous croyons libre n'est véritablement pas distinguée de l'imagination ou de la mémoire, qu'elle n'est au fond que l'affirmation que toute idée, en tant qu'idée, enveloppe nécessairement (voir la Propos. 49, partie 2). Par conséquent, ces décisions de l'âme naissent en elle avec la même nécessité que les idées des choses qui existent actuellement. Et tout ce que je puis dire à ceux qui croient qu'ils peuvent parler, se taire, en un mot, agir, en vertu d'une libre décision de l'âme, c'est qu'ils rêvent les yeux ouverts.
Cliquez ici pour demander ce corrig�
Les membres ont attribué la note suivante en moyenne : Pas de note attribuée pour le moment
Commentaires postés pour réagir à cet article :