Vous allez pouvoir accéder à l'explication du texte "La nuit. Cauchemar" extrait de "Scènes de la vie parisienne" de "Guy de Maupassant".
Texte
:
Je criai. Personne ne me répondit. J'appelai plus fort. Ma voix s'envola,
sans écho, faible, étouffée, écrasée par
la nuit, par cette nuit impénétrable.
Je hurlai : « Au secours! au secours! au secours! »
Mon appel désespéré resta sans réponse. Quelle heure
était-il donc? Je tirai ma montre, mais je n'avais point d'allumettes.
J'écoutai le tic-tac léger de la petite mécanique avec
une joie inconnue et bizarre. Elle semblait vivre. J'étais moins seul.
Quel mystère ! Je me remis en marche comme un aveugle, en tâtant
les murs de ma canne, et je levais à tout moment les yeux vers le ciel,
espérant que le jour allait enfin paraître; mais l'espace était
noir, tout noir, plus profondément noir que la ville.
Quelle heure pouvait-il être? Je marchais, me semblait-il, depuis un temps
infini, car mes jambes fléchissaient sous moi, ma poitrine haletait,
et je souffrais de la faim horriblement...
Et tout à coup, je m'aperçus que j'arrivais aux Halles. Les Halles
étaient désertes, sans bruit, sans un mouvement, sans une voiture,
sans un homme, sans une botte de légumes ou de fleurs. Elles étaient
vides, immobiles, abandonnées, mortes !
Une épouvante me saisit, horrible. Que se passait-il? Oh! mon Dieu! que
se passait-il?
Je repartis. Mais l'heure? qui me dirait l'heure? Aucune horloge ne sonnait
dans les clochers ou dans les monuments. Je pensai : « Je vais ouvrir
le verre de ma montre et tâter l'aiguille avec mes doigts. » Je
tirai ma montre... elle ne battait plus... elle était arrêtée.
Plus rien, plus rien, plus un frisson dans la ville, pas une lueur, pas un frôlement
de son dans l'air. Rien ! plus rien! plus même le roulement lointain du
fiacre, plus rien!
J'étais aux quais, et une fraîcheur glaciale montait de la rivière.
La Seine coulait-elle encore?
Je voulus savoir, je trouvai l'escalier, je descendis... Je n'entendais pas
le courant bouillonner sous les arches du pont... Des marches encore... puis
du sable... de la vase... puis de l'eau... j'y trempai mon bras... elle coulait...
froide... froide... froide... presque gelée... presque tarie... presque
morte.
Et je sentais bien que je n'aurais plus jamais la force de remonter... et que
j'allais mourir là... moi aussi, de faim — de fatigue — et de froid.
Guy de MAUPASSANT, Scènes de la vie parisienne.
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