La poésie
Te x t e s
A Georges-Emmanuel Clancier [1914], C o n t re - C h a n t s, © Éditions Gallimard, 2001.
B Robert Desnos [1900-1945], « La peste », Contrée, © Éditions Gallimard, 1944.
C Pierre Emmanuel [1916-1984], « Les dents serrées », LHonneur des poètes ( recueil collectif), © Éditions de Minuit, 1943.
D Jean Tardieu [1903-1995], « Vous étiez pourtant responsable », Domaine français, © Éditions Gallimard, 1943.
A n n e x e
Paul Éluard, présentation de louvrage collectif, LHonneur des poètes, © Éditions de Minuit, 1943.
Texte A Georges-Emmanuel Clancier, C o n t r e - C h a n t s
Ferme grise aux rives des châtaigneraies : lexacte paix dans les feuilles, chaude pénombre, appel du troupeau, psalmodie dune voix paysanne et couleur dinfini la promesse dans les yeux de lenfant. Bel été. Soudain flambent les Oradour. |
O r a d o u r : le 10 juin 1944, les Allemands massacrent la population entière (642 habitants) dOradour-sur-Glane, village de Haute-Vienne.
Texte B Robert Desnos, C o n t r é e
[Robert Desnos est mort en déportation en 1945.]
La peste Dans la rue un pas retentit. La cloche na quun seul battant. Où va-t-il le promeneur qui se rapproche lentement et sarrête par instant ? Le voici devant la maison. Jentends son souffle derrière la porte. Je vois le ciel à travers la vitre. Je vois le ciel où les astres roulent sur larête des toits. Cest la grande Ourse ou Bételgeuse , cest Vénus au ventre blanc, cest Diane qui dégrafe sa tunique près dune fontaine de lumière. Jamais lunes ni soleils ne roulèrent si loin de la terre, jamais lair de nuit ne fut si opaque et si lourd. Je pèse sur ma porte qui résiste Elle souvre enfin, son battant claque contre le mur. Et tandis que le pas séloigne je déchiffre sur une affiche jaune les lettres noires du mot « Peste ». |
Bételgeuse, Vénus, Diane évoquent des astres et constellations.
Texte C Pierre Emmanuel, LHonneur des poètes
Les dents serrées Je hais. Ne me demandez pas ce que je hais Il y a des mondes de mutisme entre les hommes Et le ciel veule sur labîme, et le mépris Des morts. Il y a des mots entrechoqués, des lèvres Sans visage, se parjurant dans les ténèbres Il y a lair prostitué au mensonge, et la Voix Souillant jusquau secret de lâme mais il y a le feu sanglant, la soif rageuse dêtre libre il y a des millions de sourds les dents serrées il y a le sang qui commence à peine à couler il y a la haine et cest assez pour espérer. |
Texte D Jean Tardieu, Domaine français
Vous étiez pourtant responsable Et pendant ce temps-là que faisait le soleil ? Il dépensait les biens que je lui ai donnés. Et que faisait la mer? Imbécile, têtue elle ouvrait et fermait des portes pour personne. Et les arbres ? Ils navaient plus assez de feuilles pour les oiseaux sans voix qui attendaient le jour. Et les fleuves ? Et les montagnes ? Et les villes? Je ne sais plus, je ne sais plus, je ne sais plus.
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A n n e x e Paul Éluard, présentation de louvrage collectif, LHonneur des poètes
Whitman animé par son peuple, Hugo appelant aux armes, Rimbaud aspiré par la commune, Maïakovski exalté, exaltant, cest vers laction que les poètes à la vue immense sont, un jour ou lautre, entraînés. Leur pouvoir sur les mots étant absolu, leur poésie ne saurait jamais être diminuée par le contact plus ou moins rude du monde extérieur. La lutte ne peut que leur rendre des forces. Il est temps de redire, de proclamer que les poètes sont des hommes comme les autres, puisque les meilleurs d entre eux ne cessent de soutenir que tous les hommes sont ou peuvent être à léchelle du poète.
Devant le péril aujourdhui couru par lhomme, des poètes nous sont venus de tous les points de lhorizon français. Une fois de plus la poésie mise au défi se regroupe, retrouve un sens précis à sa violence latente, crie, accuse, espère.
É c r i t u re
I. Vous répondrez dabord à la question suivante (6 points) :
Justifiez le rapprochement de ces quatre poèmes (textes A, B, C et D).
Corrigé
A. Présentation du sujet
Le corpus rapproche quatre poèmes brefs qui évoquent chacun les horreurs de la guerre. La cohérence est tout à la fois générique, thématique, historique puisque les quatre poètes du XXème siècle se réfèrent à la Seconde Guerre mondiale et singulièrement à loccupation de la France par les troupes allemandes. La réponse à la première question permettra aux élèves dexpliciter quelques-unes des correspondances que lon peut établir entre les quatre textes. La problématique du groupement est moins centrée, semble-t-il, sur la « poésie engagée » que sur la traduction lyrique ou pathétique dune émotion devant le scandale de la guerre, devant lhorreur dont elle se repaît. Les poèmes apparaissent surtout comme une interrogation devant labsurdité de la guerre, sa brutalité, la perversion des valeurs quelle produit. Ils sont denses, concis, dun abord aisé, même si tel vers, telle strophe ou telle image nautorisent pas une interprétation immédiate. Les sentiments qui sy expriment sont ceux de la grande tradition lyrique : indignation, haine, peur, amour. Les soins apportés par les poètes à la typographie, à loccupation de la page, à la composition du texte, à la ponctuation doivent intéresser des candidats que le travail de lannée sur lobjet détude « la poésie » a nécessairement préparés à des lectures analytiques, donc attentives, des textes poétiques modernes ou contemporains. Le texte dEluard proposé en annexe contextualise les poèmes en rappelant comment ils inscrivent dans une tradition littéraire qui confère des missions à la poésie, une « fonction » que résument les trois verbes de la fin : « la poésie mise au défi ( ) crie, accuse, espère ». La date du poème de Clancier paru en 2001 pourrait justifier que ce texte ne figure pas dans le corpus composé par ailleurs de textes écrits et publiés pendant lOccupation. Sa présence sexplique cependant par ce quil révèle de la permanence dans limaginaire collectif, et singulièrement dans la conscience dun poète qui a traversé le siècle, des événements douloureux de la Seconde Guerre mondiale.
B. Question
Justifiez le rapprochement de ces quatre poèmes.
On attend des candidats quils reconnaissent quelques éléments de cohérence du corpus :
- les quatre textes sont des poèmes brefs ;
- ils sont écrits pour trois dentre eux dans la même période historique, de violence et dangoisse ;
- tous évoquent des épisodes ou un climat liés à la Seconde Guerre mondiale ;
- ils expriment des sentiments puissants : leffarement devant lexplosion brutale de la violence barbare chez Clancier, la peur chez Desnos, lindignation et la haine chez Pierre Emmanuel, lincompréhension angoissée chez Tardieu ;
- ils accomplissent le programme que fixe Eluard à la poésie : elle « crie, accuse, espère ».
Les quatre poèmes apparaissent ainsi comme des formes concises de poésie engagée, dénonçant les horreurs de la guerre et la perversion des valeurs que les temps de haine et de lâcheté produisent.
II. Vous traiterez ensuite un de ces sujets (14 points) :1. Commentaire
Vous commenterez le poème de Jean Tardieu (texte D) à partir du parcours de lecture s u i v a n t :
Vous analyserez précisément lénonciation en tenant compte du titre.
Vous étudierez la vision de la nature proposée par le poète.
Commentaire
Conformément à la définition du commentaire pour les séries technologiques, le libellé impose de suivre un « parcours de lecture ». Le candidat développe les pistes suggérées en argumentant et en prenant appui sur une étude précise du texte. Quand les deux propositions sont bien articulées, lensemble construit dessine un commentaire organisé cohérent.
Critères dévaluation
- lattention portée à la forme dialogale du poème, et donc à la définition des interlocuteurs ;
- la mise en valeur des procédés les plus significatifs : répétitions, anaphores, interrogations, rythme, effets prosodiques ;
- la prise en compte de la disposition du poème comme facteur de sens ;
- lidentification des sentiments et des émotions exprimés.
Proposition de corrigé
Linterprétation de ce poème bref (quatre distiques) ne va pas de soi. Seule une démarche de lecture analytique attentive permet de percevoir, derrière la simplicité apparente de la forme et du lexique, un autre niveau de sens : qui parle ? à qui ? quel est ce « vous » du titre et quon ne retrouve plus dans le poème ? quel rôle jouent ici les éléments du décor, du monde, cités en abondance ?
Le parcours de lecture suggéré cherche à guider les lecteurs dans cette patiente recherche qui devrait déboucher sur des hypothèses plus profondes que limpression initiale ne le laissait supposer. La date de la composition, la contextualisation du poème au sein du groupement, lannexe doivent permettre à des élèves desquisser et de justifier une interprétation convaincante.
Les élèves peuvent prendre appui, pour la première partie de cette étude, sur les marques énonciatives et syntaxiques. L'identification du créateur sera valorisée mais son absence ne sera pas sanctionnée car sa construction relève d'indices implicites complexes. A l'inverse, la mise en relation du destinataire tel qu'il est construit dans le titre et dans l'échange de répliques est attendue. Cette référence à la responsabilité collective est en effet au cur du corpus.
Première partie du parcours de lecture
Le poème se présente sous la forme dun dialogue dont les personnages restent anonymes et difficilement identifiables dans un premier temps. Par quatre fois, dans un jeu danaphores binaires, un interlocuteur interroge, demandant à « lautre » une explication ou une justification. De façon complète (vers 1 et 3) ou elliptique (vers 5 et 7), la question porte sur le rôle quauraient tenu dans une circonstance indéterminée les différents éléments de la nature (soleil, mer, arbres, fleuves, montagnes) ou du monde (« les villes »). On ne note aucune trace grammaticale de la subjectivité de linterrogateur : seule son insistance, la brièveté croissante de ces interrogations, leur accumulation dans lavant-dernier vers traduisent une fièvre, une fébrilité, une impatience ou une colère que nous devons interpréter. Face à ce feu de questions quon peut assimiler à quelque interrogatoire (mais qui est accusé et de quoi ? ), le questionné donne par trois fois des éléments de réponses. A la dernière salve de questions, il semble seffondrer et avoue par trois fois son ignorance : « Je ne sais plus, je ne sais plus, je ne sais plus ». Les interrogations ont eu raison de son assurance, et il seffondre, vaincu et, semble-t-il, désespéré. Le dernier vers scelle une défaite, une déroute. Un indice doit alerter le lecteur attentif : les trois derniers « je » reprennent un premier pronom (vers 2) : « Il dépensait les biens que je lui ai donnés ». Quel peut être ce personnage dispensateur des biens du soleil sinon lordonnateur du cosmos lui-même ? Lhypothèse que lon peut donc tenter est que le personnage sommé de répondre est le créateur, Dieu lui-même. Cest donc la déroute de Dieu, comparaissant devant un tribunal peut-être, que le poème met en scène.
Dès lors, pourrait sexpliquer le « vous » du titre. Le poète interpelle Dieu , le met en accusation en lui rappelant sa responsabilité dans la situation que vit le monde. Le temps de lécriture du poème (1943), le titre du recueil (Domaine français) indiquent quil sagit de létat de guerre et doccupation dont souffre la France. Le poème dénoncerait labandon de la France par Dieu et exprimerait la déréliction de lhomme privé de lassistance divine. On songe au vers de Pierre Emmanuel dans « Les dents serrées » (texte C) : « Et le ciel veule sur labîme ».
Une autre lecture du titre peut croiser la précédente. Le « vous » impliquerait chaque homme et renverrait à une responsabilité collective. Le sentiment exprimé, sensiblement différent, serait proche de la douleur et du désespoir. Ici encore, le rapprochement avec le poème de Pierre Emmanuel savère éclairant.
Seconde partie du parcours de lecture
Lanalyse de la situation dénonciation choisie par Tardieu permet desquisser une hypothèse de sens que doit confirmer létude de la vision que le poète présente de la nature.
Notons demblée labondance des éléments naturels et leur présentation générique : « le soleil » (vers 1), « la mer » (vers 3), « les arbres » (vers 5), « les fleuves », « les montagnes » (vers 7). La récurrence des articles définis, labsence de localisation ou de détermination indiquent bien que le poète évoque le monde, et non tel ou tel océan, tel ou tel mont. Cest lunivers entier - le ciel et la terre, les villes et les champs - que le poète convoque devant son tribunal, comme autant de témoins, de coupables ou de complices. Les réponses de lAutre méritent examen. Le soleil « dispensait les biens que je lui ai donnés ». Largument doit se gloser ainsi. Le soleil était tout entier à la tâche que Dieu lui a attribuée : dispenser chaleur et lumière, sans examiner sils réchauffent et éclairent innocents ou coupables, victimes ou bourreaux. La mer accomplissait, insensible, son ouvrage incessant : cest le sens que revêtent les deux adjectifs placés en contre rejet au vers 3 « Imbécile, têtue ». Le troisième argument présenté par laccusé laisse percevoir une faille dans largumentation : les arbres ne pouvaient plus être des asiles, tant le nombre d« oiseaux sans voix qui attendaient le jour » était grand.
Cest reconnaître implicitement que la nature est pervertie, quelle dévoie sa fonction. Laccusé, à cours darguments, reconnaît sa défaite. La nature - et il faut prendre désormais le mot dans son sens étymologique de « création » - est restée indifférente au sort des hommes humiliés, « sans voix » et sans abri dans la nuit. Ce silence, cet abandon reconnus sous le jeu des questions inlassables du procureur constituent les éléments les plus accablants de lacte daccusation.
2. DissertationLes auteurs de LHonneur des poètes ont choisi, dans leur préface, de présenter ainsi leur ouvrage : « Cest vers laction que les poètes à la vue immense sont, un jour ou lautre, entraînés. » Partagez-vous cette conception de la poésie ? Vous organiserez votre réponse en vous appuyant nécessairement sur les poèmes du corpus et dautres poèmes que vous avez lus ou étudiés.
Dissertation
La poésie est un des objets détude communs à toutes les séries. Parmi les problématiques évoquées par le professeur dans le projet pédagogique, une part a pu être faite à la fonction de la poésie ou à la fonction du poète. Le corpus et lannexe suffisent à évoquer un aspect majeur de la poésie : elle témoigne, elle dénonce, elle mobilise. Maints poèmes de Hugo extraits des Châtiments peuvent être sollicités de façon judicieuse.
On peut imaginer que, dans un premier temps, le candidat démontre lutilité et la grandeur de ce type de poésie mise au service dune cause politique. Dans un second temps, il se demande si lessence même de la poésie nest pas altérée par lengagement dans le politique, si la poésie ny perd pas son âme même. On pourra en classe éclairer la réflexion des élèves grâce à des extraits du texte de Benjamin Perret mentionné ci-après dans la partie "écriture d'invention".
Proposition de corrigé
I. Un plaidoyer pour la poésie engagée
1. Le manifeste dEluard sancre dans une situation historique précise : la France sous lOccupation allemande, lémergence de la Résistance. Des poètes sengagent pour faire de la poésie une arme. Eluard écrit la préface dun recueil collectif dont le titre confère à la poésie une fonction éthique, LHonneur des poètes, qui paraît le 14 juillet 1943 aux Editions de Minuit, appellation symbolique dune maison dédition clandestine. Un seul des poèmes du corpus a été publié dans ce recueil. Mais tous présentent les émotions et les interrogations du poète face à la tragédie quest toute guerre. Ils obéissent à la mission que leur assigne Eluard : dépassant le drame individuel, la poésie « crie, accuse, espère ». Les poètes se mobilisent pour une action commune.
2. Dautres poètes « à la vue immense » en dautres temps ont manifesté une conception analogue. Les Châtiments de Hugo est luvre la plus représentative dune poésie de combat contre un pouvoir autoritaire. On peut penser aussi aux Tragiques de dAubigné. Des poètes de la « négritude », tels Senghor ou Césaire, ont fait entendre le cri de révolte du peuple noir bafoué, nié, réduit naguère à lesclavage ou à des formes tout aussi inhumaines dasservissement. Le poète noir ainsi, comme le proclame Sartre dans un essai « Orphée noir » (préface à lAnthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de L. S. Senghor, 1948), « en chantant ses colères, ses regrets ou ses détestations, en exhibant ses plaies ( ) atteint le plus sûrement à la grande poésie collective. [ ] Il entreprend alors de ruiner systématiquement lacquis européen et cette démolition en esprit symbolise la grande prise darmes future par quoi les noirs détruiront leurs chaînes ». (J. P Sartre, Situations III, Gallimard, 1949).
II. Une défense dautres formes de poésie
1. Sartre, définissant lambition de la poésie « noire » démontre que les poètes comme Césaire ou Senghor retrouvent le sens de la poésie « lyrique. Or, la poésie lyrique est plus traditionnellement, et dès son origine mythologique liée à Orphée, lexpression de sentiments intimes (amour, deuil, douleur). Le courant lyrique est très certainement celui qui irrigue le plus notre histoire littéraire. (On attend ici la référence à des poèmes ou à des poètes précis de Ronsard à Apollinaire, de Hugo à Eluard ou Aragon, de Verlaine à André Velter - et une définition du lyrisme).
2. Une autre conception de la poésie à laquelle on peut être plus sensible encore est celle, plus contemporaine, qui cherche à capter linstant, lémotion sensible, léphémère de la sensation (Bonnefoy, Jaccottet ).
3. Invention
Le poète doit-il intervenir dans le débat politique ?
Vous rédigez un texte manifeste répondant clairement à cette question. Oui, il doit intervenir ou non, ce nest pas là son rôle.
Votre texte sera une lettre ouverte sadressant à ceux qui défendent la thèse contraire à celle que vous avez choisi de soutenir.
Le débat est engagé depuis longtemps, et adversaires et partisans dune poésie qui se fourvoie, se compromet ou se distingue sur le terrain politique ont échangé leurs arguments et leurs sarcasmes réciproques.
On attendra du candidat qu'il reprenne en les explicitant ou en les développant les exemples ou les arguments dEluard : nécessité du témoignage, conviction que le poète se doit dexprimer les sentiments de chacun, contribution à lesprit de résistance, haute mission dune poésie politique qui sengage pour rendre compte démotions collectives, pour mobiliser les énergies. Plus difficile se révèle la tâche inverse.
Voici des extraits du texte que Benjamin Péret publie à Mexico en 1945, intitulé "le Déshonneur des poètes" contre le principe même de ce recueil et la qualité des poèmes qui y figurent. Ils donnent une idée du ton du débat."Pas un de ces « poèmes » ne dépasse le niveau lyrique de la publicité pharmaceutique, et ce nest pas un hasard si leurs auteurs ont cru devoir, en leur immense majorité, revenir à la rime et à lalexandrin classiques. La forme et le contenu gardent nécessairement entre eux un rapport des plus étroits et, dans ces « vers », réagissent lun sur lautre dans une course éperdue à la pire réaction.( )
En réalité, tous les auteurs de cette brochure partent sans lavouer ni se lavouer dune erreur de Guillaume Apollinaire et laggravent encore. Apollinaire avait voulu considérer la guerre comme un sujet poétique. Mais si la guerre, en tant que combat et dégagée de tout esprit nationaliste, peut à la rigueur demeurer un sujet poétique, il nen est pas de même dun mot dordre nationaliste, la nation en question fût-elle, comme la France, sauvagement opprimée par les nazis. Lexpulsion de loppresseur et la propagande en ce sens sont du ressort de laction politique, sociale ou militaire, selon quon envisage cette expulsion dune manière ou dune autre. En tout cas, la poésie na pas à intervenir dans le débat autrement que par son action propre, par sa signification culturelle même, quitte aux poètes à participer en tant que révolutionnaires, à la déroute de ladversaire nazi par des méthodes révolutionnaires, sans jamais oublier que cette oppression correspondait au vu, avoué ou non, de tous les ennemis - nationaux dabord, étrangers ensuite - de la poésie comprise comme libération totale de lesprit humain car, pour paraphraser Marx, la poésie na pas de patrie puisquelle est de tous les temps et de tous les lieux ".
Critères dévaluation :
- un parti pris pleinement affiché ;
- des arguments et des exemples pertinents au service de cette prise de position, nourris par la lecture et l'étude du corpus.
- la présence d'une stratégie relevant de la contre-argumentation : mention des arguments opposés, registre polémique- la forme attendue est celle d'une lettre.